RER D, la bataille du rail continue : Entretien avec Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis

Dix mois après la mise en œuvre du SA 2019, le dispositif suscite encore et toujours la colère de la part des usagers et de nos élu·es, à l’encontre des autorités de transport, responsables de l’organisation et du financement du réseau en Île-de-France.
Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis, s’exprime sur cet enjeu essentiel pour notre territoire :

Inauguré en 1977, le premier RER (Réseau express régional) est à l’instar de la DS Citroën et du Concorde, un pur pro-duit des Trente Glorieuses, au temps d’une croissance à deux chiffres et du plein-emploi. Symbole de progrès, de victoire sur le temps et l’espace, il a incarné un moment, bien plus qu’un simple moyen de transport, un modèle de société moderne et égalitaire, l’abolition de la frontière entre centre et périphérie, entre Paris et sa banlieue, une cohésion métropolitaine nécessaire à la dynamique de notre région capitale.

MAIS, QU’EN EST-IL AUJOURD’HUI ?

Manifestation devant les locaux d’Île-de-France Mobilités, le soir du 13 décembre 2017.

Saturé et vieillissant, le RER est devenu synonyme de promiscuité, d’enclavement, d’assignation à résidence, de déclassement et d’aliénation sociale diamétralement opposé à sa promesse originelle du droit à la mobilité pour tous, notamment pour les habitants de la seconde couronne parisienne. Les raisons de l’effondrement du mythe et l’explication des problèmes de ce réseau tiennent selon les magistrats de la Cour des comptes à : « un sous-investissement persistant lié au fait que les gouvernements successifs, la SNCF et RFF – Réseau ferré de France – ont, pendant plus de trente ans, accordé la priorité au développement du réseau des lignes à grande vitesse (TGV) » au détriment du réseau francilien existant (rapport de la Cour des comptes de 2016).

Ces experts impartiaux notent que certaines caténaires du RER sont âgées de plus de 90 ans. Trente ans de sous-investissements qui risquent de se répéter si l’État et son opérateur ferroviaire principal ne se hissent pas à la hauteur de l’enjeu, par un programme d’investissement puissant à réaliser en urgence qui, non seulement, nous permette, d’une part, de rattraper le retard avéré et, d’autre part, d’accompagner des développements nouveaux pour absorber l’inéluctable croissance du nombre des usagers de ce transport public (600 000 voyageurs par jour aujourd’hui sur le RER D ; 900 000 projetés dans les 10 ans à venir).

LA QUESTION EST ÉMINEMMENT POLITIQUE

Mobilisation en gare de Juvisy-sur-Orge le 20 octobre 2018.

Ce sont des choix, des décisions publiques nationales qui sont à l’origine de nos difficultés. Rappelons que les habitants de Soisy-sur-Seine, d’Étiolles, de Grigny, d’Évry-Courcouronnes, de Saint-Germain-lès-Corbeil, de Corbeil-Essonnes, de Villabé comme ceux de Ris-Orangis et de toutes les autres villes de notre agglomération paient leur Pass Navigo 75,20 € par mois, le même tarif que les habitants de Paris intra-muros alors qu’ils ne bénéficient pas du même niveau de prestation. Cette rupture d’égalité devant le service public n’est plus acceptable.

Pour remporter “la bataille du rail” en faveur des personnes transportées dans nos RER et en parti-culier pour le D, les associations, les parlementaires des circonscriptions concernées, les élus locaux et les citoyens doivent unir leur force pour réorienter les priorités des autorités de transport dont nos vies quotidiennes dépendent. L’élaboration du schéma directeur des RER, le contrat de plan État-Région, loi Mobilité en cours de discussion entre le gouverne-ment, les députés et les sénateurs sont des opportuni-tés dont nous devons nous saisir avec détermination.

Si nous ne réagissons pas, le Grand Paris se transformera en Gros Paris.

40 milliards d’euros sont d’ores et déjà garantis pour le « Grand Paris Express ». Cette ligne nou-velle de métro de 200 km et ses 68 gares, toutes en première couronne d’Île-de-France, vampirisent toutes les énergies, tous les savoir-faire, toute l’ingénierie française et surtout tous les crédits de la solidarité nationale encore disponibles. Deux milliards supplémentaires seraient même fléchés pour le Charles-de-Gaulle Express, ligne dédiée aux hommes d’affaires reliant l’aéroport du même nom à l’ouest et au cœur de la capitale.

Si nous ne réagissons pas, le Grand Paris se transformera en “Gros Paris” et les transports du quotidien reliant les franges de l’Île-de-France resteront les parents pauvres de la mobilité francilienne. Nous sommes en lisière de la région capitale. Évitons notre mise au banc par un effet de gentrification non maîtrisé qui accentue la fracture entre Paris et sa banlieue. Nous ne pouvons rester en marge de la dynamique métropolitaine de la première région française et européenne. Nous devons donc plaider avec force pour une vision réellement inclusive de la Grande Couronne dans le « Grand Paris ».

Réunion de travail en présence de Stéphane Raffalli, notre Maire, de Jean-Baptiste Rousseau, Maire de Soisy-sur-Seine et de Philippe Jumelles, Maire d’Étiolles, le 9 septembre 2019.

Ensemble, nous devons porter avec le plus grand volontarisme politique, cette ambition de cohésion et d’attractivité territoriale et ainsi obtenir de l’État et de ses démembrements de nouveaux engagements fermes et concrets, dans les plus brefs délais, pour répondre à l’urgence des RER.

L’État, dans sa responsabilité régalienne, doit agir aux côtés des collectivités territoriales comme garant de l’unité nationale. Alors oui, notre combat qui a rassemblé spontanément les habitants de la rive droite et de la rive gauche de la Seine ces dernières années pour l’amélioration du RER D doit se poursuivre et s’amplifier pour rendre effectif notre droit à la mobilité.

(Propos de Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis, recueillis par la journaliste Véronique Masson pour la Gazette de Ris-Orangis, édition de novembre-décembre 2019).


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 Télécharger la Gazette de Ris-Orangis consacrée au RER D