Commémoration du souvenir des victimes et des héros de la déportation

Ce matin pour cette commémoration, les élus, les associations d’Anciens combattants, Déportations, Persécutions et Mémoire, CITOYENS AGITES, Actes en théâtre et Échanges et Loisirs se sont rassemblés devant notre monument aux morts.

Se souvenir encore et toujours pour faire Nation.

Découvrez le très beau discours prononcé à l’occasion par le Président de DPM (Déportations, Persécutions et Mémoire), monsieur Bernard CUKIER :

Madame la Députée,
M. le Maire et conseiller général,
M. le 1er adjoint au Maire,
Mmes et Ms les Conseillers régionaux et municipaux,
Mmes et Ms les représentants des associations d’Anciens Combattants,
Mmes et Ms les représentants des associations,
Mmes et Ms les représentants des cultes,
Chers amis,

Il y a 80 ans commençaient les premières déportations des juifs dictées par la Conférence de Wansee le 20 janvier 1942. Le déclenchement à l’été 1942 des grandes rafles aux Pays-Bas, en Belgique et en France (dont le premier convoi partira le 27 mars 1942), marque le début de la « Solution finale » en Europe de l’Ouest : en l’espace de quelques mois 100 000 Juifs seront arrêtés et déportés depuis ces trois pays. La planification depuis Berlin et la mise en œuvre des opérations sur le terrain constituent un ensemble d’interactions entre l’occupant et les autorités locales, allant de négociations politiques à l’organisation matérielle des arrestations, s’appuyant sur la mobilisation d’un réseau complexe d’acteurs de diverses administrations. En trois ans cette mobilisation allait coûter la vie à 76 000 Juifs de France sur les 300 000 que comptait notre pays.

Cela faisait déjà longtemps que la compromission des autorités pétainistes avait atteint un point de non-retour après les lois raciales instituant un statut discriminatoire des Juifs dès octobre 1940. Cette année-là, elle scellait l’engagement de l’Etat français dans une entreprise de mort et de destruction.

Cependant, les agents de ces administrations, préfets, policiers ou gendarmes, n’ont pas tous appliqué servilement les directives de leurs hiérarchies et beaucoup ont choisi de ne pas voir ceux qu’ils étaient censés traquer. Par ailleurs, la réaction des églises et de la population, choquées par la mise en œuvre de la déportation, a obligé le gouvernement de Vichy à ralentir son zèle mortifère.

La journée de commémoration de la Déportation est non seulement l’occasion de se souvenir de ces évènements tragiques mais aussi de rappeler le rôle essentiel de tous ceux qui ont contribué à protéger des juifs, jusqu’à les sauver, parfois au péril de leur vie. Assurément, les Justes avaient une conscience humaine que les autres avaient perdue. L’histoire donne en exemple à notre jeunesse, des hommes et des femmes qui ont incarné face à la barbarie, les valeurs positives de l’humanité, la solidarité, le courage et l’engagement, la prise de conscience que chacun possède en soi, la possibilité de ne jamais capituler devant l’antisémitisme, la discrimination, la soumission. Notre commune peut être fière de tous ceux de ses anciens qui ont résisté, notamment Emari Polak qui a survécu à la déportation et dont nous rappelons ici la mémoire. Saluons particulièrement la mémoire de tous les résistants dont plus de 110 000 français morts de mauvais traitements, de faim, de travail forcé dans les camps de concentration.

En cette journée, ayons également une pensée pour toutes les victimes des génocides reconnus officiellement par la France : pour les 6 millions de Juifs exterminés par les nazis, mais aussi pour le million et demi d’Arméniens et de chrétiens d’Orient tués lors du génocide de 1915, pour les 800 000 Tutsis du Rwanda, pour les deux millions de Cambodgiens, les centaines de milliers de tziganes et d’homosexuels exterminés par les nazis, enfin le génocide qui vise les Ouïgours en Chine et qui subissent depuis plusieurs années un sort inacceptable. Triste liste oh combien incomplète !

En cette Journée du Souvenir alors que la guerre frappe actuellement l’Ukraine, comment ne pas repenser à la Shoah par balles qui fit 1,5 millions de morts dont 1 million rien qu’en Ukraine. C’est dans ce pays qu’eut lieu le tristement fameux massacre du ravin de Babi Yar près de Kiev, faisant plus de 33 000 juifs morts en deux jours, les 29 et 30 septembre 1941, massacre perpétré par l’Einsatzgruppe C, avec l’aide active de la police Ukrainienne et hélas de certaines parties de la population. Au total, c’est plus de 200 000 personnes qui seront assassinés à Babi Yar même, soit presque la totalité des Juifs de la ville de Kiev.

Sans les supplétifs ukrainiens qui baignaient depuis plusieurs siècles dans un antisémitisme pogromiste, les nazis ne seraient pas parvenus à exterminer ce million de Juifs en trois ans. Pour preuve, rappelons qu’il y a 22 ans, deux collaborateurs des nazis, Stepan Bandera et Roman Choukhevytch s’étaient vu décerner les titres de « héros d’Ukraine », à titre posthume, distinction heureusement annulée sous la pression du parlement européen. Mais ils ont toujours des monuments à leur gloire. Cependant, 2600 Justes ukrainiens ont été reconnus et honorés par Israël et ce pays a élu un premier ministre juif dont plusieurs membres de sa famille ont été assassinés dans cette Shoah par balles !

La France n’est pas raciste et elle ne connait aucune loi raciste contrairement à ce que certains indigénistes voudraient nous faire croire. La France n’est pas antisémite malgré la montée inquiétante des haines que l’on observe, ici comme dans toute l’Europe et en Amérique du Nord notamment.

L’antisémitisme continue à s’exprimer, sous le couvert de l’antisionisme radical. Mais, si on transige avec l’extrémisme, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, si on lui trouve des excuses, sociales ou politiques, on lui offre un terreau pour prospérer et tôt ou tard on en paye le prix.

Cet antisémitisme ne cesse de s’exprimer en France. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, il y a encore eu en 2021, 1659 actes antireligieux recensés dont 857 antichrétiens, 589 antisémites et 213 antimusulmans qui ont fait l’objet d’une plainte. Ces chiffres ne tiennent compte ni de l’antisémitisme ni du racisme sur Internet et les réseaux sociaux. Ils traduisent notamment, parmi les autres racismes, la permanence et le développement d’un antisémitisme du quotidien, une forme de « banalisation » de la haine avec régulièrement des passages aux meurtres qui ont couté la vie à plus d’une quinzaine de juifs français, adultes et enfants, depuis une vingtaine d’années, mais aussi en Amérique comme le meurtre de 11 personnes lors du mitraillage de la synagogue de Pittsburg en octobre 2018. C’est un cancer qui gangrène toutes nos sociétés.

Depuis quelques années, on observe une libération de la parole raciste, et la propagation d’actes et de tags antisémites sur le territoire national comme dans l’ensemble du monde occidental. Ils ont fleuri ces deux dernières années notamment en marge de manifestations où des éléments heureusement minoritaires actualisaient la vieille accusation de Juifs propagateurs de contagions. Les complotistes se font passer pour des victimes, comme cela a été l’excuse de tous les génocidaires pour expliquer leurs crimes.

La question constante, obsédante, qui se pose à nous est : comment combattre le racisme et l’antisémitisme ? Ce dernier est un système en soi qui s’autoalimente, et qui n’a même pas besoin des juifs pour s’exprimer. C’est une arme politique.

Nous pouvions espérer qu’avec l’éducation et le rappel des horreurs de l’Histoire, le phénomène viendrait à diminuer. Mais il est toujours présent sous des formes changeantes.

La Shoah, au-delà de toutes les instrumentalisations, dépasse de loin la seule question antisémite. Elle reste une question cardinale qui interroge politiquement toutes les sociétés. Qu’est-ce qu’un génocide ? Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi l’Allemagne ? Pourquoi l’Europe ? Pourquoi les Juifs ? Comment une idéologie meurtrière se met-elle en place ? Comment des hommes ordinaires, bons pères de famille, diplômés d’universités, deviennent parfois des assassins en groupes ?

Les réponses à ces questions sont vitales pour éviter que notre passé ne devienne notre futur.Je voudrais remercier pour l’aide constante qu’ils apportent à nos activités, le Conseil Général, la municipalité de Ris-Orangis, les associations Actes en Théâtre et Citoyens agités, et le centre Desnos, qui a programmé le film « les 4 sœurs » les dimanches 8 et 15 mai, témoignages recueillis par Claude Lanzmann. La projection du 8 mai se fera en présence de son assistante, Laura Koppel.

Je vous invite à participer aux autres activités de notre association, notamment les conférences sur les juifs en Ukraine par Philippe Boukara et la conférence sur la rafle d’Angoulême par Franck Swensen.

Je vous remercie de votre attention.